Persécution de la Catalogne, déclin démocratique
Les juges de la Cour suprême espagnole ont décidé que je ne pouvais plus être président de la Catalogne, alors que j’ai été élu démocratiquement par le Parlement de la Catalogne. J’ai été condamné et destitué pour avoir accroché une bannière en faveur de la liberté des prisonniers politiques et du retour des exilés sur la façade du siège du Gouvernement de la Catalogne, suite au rapport du Groupe de Travail sur la détention arbitraire des Nations Unies, rapport auquel le Gouvernement espagnol n’a pas donné suite. Or, je tiens à le réaffirmer, la loi ne devrait jamais vaincre la démocratie. Quand la loi va systématiquement contre les urnes, la démocratie échoue et doit être actualisée. Ma destitution de la Présidence (je suis le deuxième président catalan destitué en moins de trois ans) sera révisée au cours des prochaines années par la Cour européenne des droits de l’homme, qui représente aujourd’hui la seule instance où les indépendantistes catalans peuvent trouver justice. Nous devons à nouveau attirer l’attention de l’Union européenne sur la persécution systématique de la minorité nationale catalane dans l’État espagnol. L’Europe ne peut plus fermer les yeux car le déclin démocratique de l’Espagne menace également la qualité démocratique et la crédibilité du projet et des valeurs européennes.
Le Gouvernement de la Catalogne a assumé, la gestion extrêmement compliquée d’une maladie implacable, la Covid-19. Aujourd’hui encore, il fait face au coronavirus sans disposer des ressources nécessaires ni des outils d’un État. Nous avons œuvré pour apporter à la Catalogne une réponse institutionnelle et, à présent, nous nous consacrons corps et âme à sortir d’une crise économique et sociale extrêmement grave. Mais aujourd’hui, le fonctionnement normal des institutions est de nouveau interrompu, en l’occurrence par les tribunaux, et l’Administration catalane se retrouve dans une situation transitoire que les citoyens de la Catalogne (européens eux aussi) ne méritaient pas en pleine pandémie. En Espagne, la soif de vengeance importe plus que le respect de la santé et de la vie des personnes, plus que le maintien des entreprises et de l’emploi.
Il est probable que les Catalanes et Catalans soient obligés de retourner aux urnes d’ici quelques mois, pour les élections du Parlement de la Catalogne. Toutefois, s’il est une chose qui caractérise les indépendantistes de Catalogne, c’est bien de ne jamais craindre les urnes. Tout le contraire, nous défendons toujours les urnes. Nous voulons que les citoyennes et citoyens puissent toujours s’exprimer. Nous voulons l’indépendance, nous voulons exercer l’autodétermination, mais nous voulons par-dessus tout que notre pays soit une démocratie de qualité.
Alors que la Cour suprême espagnole destitue un président du Gouvernement de la Catalogne, les appareils de l’État soutiennent un monarque accusé de corruption dans sa fuite au sein d’une dictature. La décision se pose aux citoyens de la Catalogne plus clairement que jamais : il faut choisir entre la démocratie et la liberté ou la répression et l’imposition ; la République catalane ou la monarchie espagnole.
Pendant ces deux ans et quatre mois de présidence, nous avons travaillé beaucoup et dans un contexte très difficile. Je suis satisfait d’avoir accompagné autant que possible toutes les personnes faisant l’objet de poursuites et de représailles du fait de la dérive autoritaire de l’État espagnol contre notre détermination d’atteindre la liberté par une voie démocratique. Dans ce conflit politique pour la liberté, je suis heureux d’être du côté des démocrates. Je suis très fier de la force et de l’engagement d’une grande majorité de Catalanes et de Catalans, un peuple avec une langue propre, une culture et une identité menacées qui se ressaisit et évolue au fil du temps. Je ne pense pas que mon pays soit meilleur que les autres, mais c’est le mien. Et je l’aime avec passion.
Ce fut un immense honneur pour moi de présider la Catalogne. J’ai accepté la mission de présider le Gouvernement de la Catalogne à un moment de répression féroce, en vertu de mon engagement envers mon pays et envers un président, le Très Honorable Carles Puigdemont, qui vit encore en exil après avoir été destitué. Tout comme j’ai pris en charge la plus haute institution catalane, avec le même engagement, je continuerai à œuvrer sans relâche pour la liberté de la Catalogne là où je pourrais être utile.
L’État espagnol conduit de nouveau la Catalogne à une situation exceptionnelle, devant la passivité inexplicable de l’Union européenne. Lors des prochaines élections, nous aurons l’opportunité de faire un nouveau pas en avant et d’être plus forts démocratiquement. La répression aura toujours une réponse démocratique incontestable de la part des Catalans. À chaque jour de prison, correspond une plus forte détermination de démocratie. À chaque nouvelle irrégularité des tribunaux, plus de votes aux urnes. À chaque jour d’exil, plus d’organisation civique en faveur de la République. Nous ne sommes pas un pays avec des institutions puissantes, même si nous sommes une des plus anciennes démocraties de l’Europe ; nous sommes un pays avec une société vivante, dynamique et libre. Nous sommes un pays qui ne se rend jamais.